Cuisine fusion, cuisine arty, cuisine hors du temps et des codes bien connus : voilà comment se définit l’œuvre de Gilles Stassart.
Echo ou véritable réputation ? Une première expérience dans son univers nous a permis d’en avoir une idée plus précise.
Dans le cadre des Diners du Cercle, Gilles Stassart a élaboré un menu Surprise, à son image…
Gouter, déguster du « Gilles Stassart », c’est effectivement embarquer dans un train dont nous sommes tout sauf sûrs de la destination.
Rattaché au Repas Gastronomique dans son aspect « fusion et mixité des genres et des origines », plus que dans ce que l’on entend par la cuisine du quotidien des français, le menu s’est décliné en 4 plats avec une mise en bouche à base de chipolatas et de gelée d’eau de tomates : oui, le ton est donné immédiatement, on ne sait pas où on met les pieds.
S’en suit un très beau plat, aux associations encore une fois très improbables : maquereau mi- cuit / agrumes /crème de tarbais et de céleris : cuisson parfaite du maquereau mettant en valeur la finesse de sa chair et contrastant de façon plaisante à l’amertume des agrumes.
Les classiques Harengs pommes à l’huile, qui suivent, donnent droit à une version Gilles Stassart, des plus surprenantes : si je vous dis que le goût fumé et iodé des harengs ressort alors qu’il n’y en a pas ! Ils sont ici interprétés avec une tranche de foie gras mi- cuit, déposée sur une kabocha (potiron japonais) fumante dont la chaleur fait fondre le gras du foie et vient rehausser les notes marines du sel d’anchois : curieux, intriguant mais surtout très bon. A marier avec le maki de salades pour apporter un peu plus de mâche. La girolle est pour ma part en surplus et n’apporte rien à l’ensemble déjà complexe, mais maitrisé. Je voudrai aussi saluer la présentation : le plat offre une palette de couleurs et de formes qui rejoint complètement les évocations à l’art picturale vantées par le maitre.
Pigeon fumé au thé Tarry Souchong et farci aux abats et purée de châtaigne pour les carnivores, lieu jaune, coing rôti au miel et blettes pour les autres. C’est la mer, avec regret, que l’on m’apporte.
Regret car à mon goût le lieu n’a pas la cuisson qu’il mérite (trop saisi) et l’assaisonnement framboises-huile de vanille me déçoit.
Et pour avoir seulement gouté la purée de châtaignes qui accompagnait le pigeon, je me dis que je suis passée à côté d’une belle prise.
En revanche, le coing très tendre et caramélisé au miel, me laisse terminer ce plat sur une note plus positive.
Le repas des français ne l’est pas entièrement, si dans la suite du menu, ne vient pas le temps des fromages. Gilles a donc conçu une chantilly de Brie aux grués de cacao amer (éclats de fève de cacao torréfiée et concassée), et pointe de truffe noire. Autant vous dire que le train dans lequel je suis montée à bord, poursuit son parcours sinueux et incongru, mais le paysage qui défile continue sacrément de me plaire.
Complètement déstructuré, à l’image de la célèbre mousse de Beaufort d’alpages par le grand Jean Sulpice, le Brie, en chantilly, fond dans la bouche. Les notes puissantes et soutenues des grués de cacao lorsqu’ils éclatent sous la dent, relèvent l’ensemble : c’est juste génial – disons-le.
Dernière étape du voyage, et pas des moindres : le dessert – si l’on peut encore appeler cela un dessert, tant la saveur sucrée se fait discrète. On atteint alors l’apogée de l’inattendu, évoqué tout au long de cette découverte culinaire par notre chef – artiste.
L’influence nippone, Gilles résidant au Japon depuis des années, est bien présente. Ce n’est pas le sucré qui est mis à l’honneur dans cet extravagant dessert mais la juxtaposition de goûts, de textures et de températures. Qui apportent une dynamique particulière à l’ensemble.
Arrêtons la description, place à l’intitulé : Poire pochée, crème anglaise de cresson, sorbet de piquillos-sanguine, et tuile de betteraves…
Impossible de me prononcer, par un « j’aime ou je n’aime pas », j’écrirai seulement qu’à travers ce dessert, Gilles m’a complètement fait basculer dans son univers et que le titre d’artiste avant celui de chef, lui est totalement légitime.
Une cuisine graphique, colorée, composée visuellement. Et des plus étonnantes et détonantes au palais, en définitive.
Merci Gilles pour cette interprétation du repas gastronomique des français qu’il ne rejoint selon moi (on ne mange effectivement pas cela tous les dimanches !) que dans la richesse de sa personnalité aux multiples influences et brassages.
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