Chronique d’une parisienne à Bordeaux.
Une journée à Margaux : à la découverte des grands crus classés bordelais
Qui n’a jamais rêvé de châteaux, de vignes, de grands crus et de passion ?
A qui ces mots résonnent dans son for intérieur, titillent sa curiosité, et éveillent son imagination (je pourrai également parler d’appétit !)
Ce billet vous est destiné.
Car oui, une journée à Margaux, c’est une journée où rencontres entre passionnés, histoires de familles & terroirs, et délectation de nectars des dieux, se mêlent dans un magnifique cadre qui a l’art de nous rappeler, que sans la terre, nous ne sommes pas grand chose.
Et aux parisiens, ça leur fait du bien !
Retour donc, sur une journée d’immersion au cœur des vignobles d’appellation Margaux, rondement guidée par Guillaume Fauqueur, négociant en grands vins, qui avait pour mission de faire découvrir à quelques membres du Club des Vins Nicolas – et blogueurs de surcroît, une partie du Médoc.
Chers propriétaires et producteurs, pardonnez à ce propos notre dépendance à ce que vous appelez communément un téléphone mais qui correspond, chez nous, à notre 3ème main : « déformation professionnelle » !
Tout d’abord : une foule d’informations sur la région de Bordeaux, le découpage des différentes appellations, la classification des crus, et les différents cépages : histoire de remettre les pendules à l’heure avant de partir à la découverte de 3 châteaux de Margaux : le Château Desmirail, le Château Durfort-Vivens, et le Château Brane-Cantenac. 3 domaines de la famille Lucien Lurton.
On récapitule ? Le Bordelais est divisé en 5 grandes régions : Le Médoc, Les Côtes, Saint-Émilion, l’Entre-Deux-Mers, et les Graves, sur lesquelles se répartissent les 60 appellations qui composent le vignoble.
L’appellation Margaux – thématique du jour, appartient au Médoc (quasi exclusivement des rouges). Les 3 cépages utilisés pour l’élaboration des vins de Bordeaux sont le Merlot, le Cabernet Sauvignon et le Cabernet Franc. Les vins de Bordeaux étant bien entendu des vins d’assemblage.
Quid des millésimes ? Un millésime correspond à l’année de production du vin, et est, par définition, unique. Le comportement de la vigne (phénologie, rendement, potentiel de la qualité du raisin) varie d’une année à l’autre, suivant les conditions climatiques. Les années 2009 et 2010 étant des millésimes désignés « Millésime du Siècle » pour de nombreux grands crus.
Dernier point, les classements. Le 1er classement officiel, datant de 1855, et établi à la demande de l’Empereur Napoléon III à l’occasion de l’Exposition Universelle de Paris, compte 60 Crus du Médoc et 1 Cru de Pessac-Léognan (Château Haut Brion). Ils se répartissent en cinq catégories : 5 Premiers Crus, 15 Deuxièmes Crus, 14 Troisièmes Crus, 10 Quatrièmes Crus, 18 Cinquièmes Crus.
Maintenant, la virée peut commencer ! Et c’est au Château Desmirail, 3ème grand cru classé, que nous entamons un premier contact avec les palettes du terroir bordelais.
Sur le chemin, on nous apprend que Denis Lurton, digne héritier de Lucien Lurton, est à la tête du domaine. La famille Lucien Lurton s’imposant en acteur majeur de la région depuis 3 générations. Les enfants font aujourd’hui partie des principaux propriétaires des Châteaux du Médoc.
Elles sont toujours fascinantes ces histoires de lignée et d’héritages, où se transmettent non seulement biens matériaux et propriétés des sols, mais aussi et surtout cet amour du métier, cette passion du travail de la terre et de ce qu’elle a à offrir.
Depuis le Château Brane-Cantenac où il prit la suite suite de son père et de son grand-père en 1954, Lucien Lurton acquit progressivement quelques-uns des fleurons de la viticulture bordelaise, dont de nombreux Crus Classés. C’est en 1992 que ses enfants prirent la succession des propriétés familiales non sans succès, ayant à cœur le terroir hérité des générations précédentes…
Le directeur des lieux nous réserve alors un accueil chaleureux et nous fait visiter les caves du Château Desmirail.
Le vin naît de la rencontre de la nature et de la culture, c’est un produit exceptionnel dont chacun connait tant les bienfaits pour la santé que la faculté de réjouir le cœur de l’homme. Bonum vinum laetificat cor hominum.
Bercé par ces propos, on est très vite dépaysé – et quand on se met à nous parler de Gonzague, de Desmirail et de châteaux, j’avoue m’être retrouvée plongée au milieu d’un nouveau chapitre des « Visiteurs », m’apprêtant à voir surgir Godefroy de Montmirail ! (Une certaine génération se reconnaîtra..!) Humour à part, le Château a une très belle histoire. Son origine remonte à la fin du XVIIème, lorsque Jean Desmirail épousa une demoiselle Rausan du Ribail. Celle-ci apportant en dot une partie du fameux domaine de Rausan. La propriété leur a appartenu pendant plus d’un siècle et demi, avant d’être cédée à des acquéreurs successifs puis en 1992, de devenir celle de Denis Lurton.
Côté Terroir, les vignes du domaine, d’une superficie de plus de 30 hectares ont une trentaine d’années. On nous informe qu’elles reposent sur des graves profondes mises en place pendant l’ère quaternaire (entre 650 000 et 250 000 ans avant notre ère). Je savais que mes passionnants cours de géomorphologie et climatologie me serviraient ! Bref, ces graviers et galets, provenant des montagnes pyrénéennes ont été roulées par les eaux de la Garonne et ont formés des terrasses. Ensuite érodés, ces dépôts se présentent aujourd’hui sous la forme de croupes graveleuses caractéristiques du vignoble Desmirail. Ces différents terroirs sont donc à l’origine des différents cépages des vins, avec une dominante de Cabernet Sauvignon (60% des surfaces).
Place alors à la dégustation de 4 crus de deux millésimes. Plus on s’imprègne du caractère des différents millésimes, plus les notes des vins se révèlent en bouche. 2010 : Été sec et tempéré, nuits fraîches, conditions optimales pour des tanins de qualité. Les vendanges sont engagées sous un soleil radieux dans les Merlots puis se poursuivent mi octobre dans les Cabernets Sauvignon qui ont mis du temps à mûrir cette année-là.
Ce qui procure des couleurs impressionnantes et des tanins riches et complexes.
2011 signe un millésime précoce mais de belle facture. Avec une intervention humaine plus déterminante.
On déguste, on apprécie, et l’on se remet en route, les papilles aux aguets pour la suite du parcours, sous une température – rappelons-le, accablante !
Qu’à cela ne tienne, lorsqu’il fait chaud, il faut bien boire.
Direction le second château du domaine Lucien Lurton, le Château Durfort-Vivens, second cru classé. Sur la route, les paysages viticoles défilent. 360° de vignes verdoyantes, un ciel bleu et un soleil de plomb : c’est magnifique. Un peu de chauvinisme ne fait pas de mal : elle est quand même bien belle la France !
Petit détour d’ailleurs par deux magnifiques propriétés : le Château Palmer, et l’incontournable Château Margaux (1er Cru Classé).
Accueilli par Jérôme Héranval, Directeur du château fort sympathique, on découvre les lieux, les chais, les vignes avant de s’imprégner des différentes cuvées de ce second cru classé. Le plaisir se fait attendre !
Le Château Durfort-Vivens est effectivement le joyaux de la famille Lurton, il dégage tout le charme de l’appellation Margaux. Et ses vins sont élaborés à partir de techniques de viticultures exigeantes inspirées de la biodynamie.
Un vent de modernité venant contrasté avec le patrimoine et le côté ancestral des lieux. Le paradoxe est plus qu’intéressant.
S’en suit une dégustation de 4 superbes millésimes, que l’on est malheureusement contraints de recracher, compte-tenu du nombre croissant de crus goûtés, et n’oublions pas, de la chaleur caniculaire.
A l’instar du Millésime 2012. Si l’on respecte les termes des connaisseurs, il se décrit comme ayant une robe d’un rubis profond, un bouquet intense mariant des notes de fruits rouges (cerise griotte, groseille) et de mirabelle, des notes de fleurs blanche, d’épices (poivre de Cayenne, réglisse), et une fine nuance de tabac blond et de boite de cigares…
Nous voilà, sur ces belles émotions gustatives, attablés dans la somptueuse salle de réception du Château, lumineuse et avec vue sur le vignoble, prêts à se confronter à l’exercice des accords mets – vins.
Jérôme nous le dit de but en blanc : Ne vous attendez pas à de la viande, j’aime le poisson et vous serez surpris de l’association des Bordeaux rouges, aux saveurs marines !
Soit ! Et ce n’est pas pour me déplaire.
En entrée, un sublime carpaccio de Saint-Jacques, aux noisettes ; suivi d’un turbot (dont je reprocherais juste une cuisson trop longue à mon goût) aux légumes croquants, d’une assiette de fromages variés et bien-sûr de cannelés maison en dessert : Jérôme a raison, le mariage « Vins rouges – Poisson » fonctionne très bien ! Et se trouve même faciliter la digestion.
Il est temps pour nous de reprendre la route et découvrir le troisième et dernier château (on se fait facilement à la vie de château !). J’ai nommé le Château Brane-Cantenac, deuxième Grand Cru Classé.
Là encore je tiendrai à présenter mes amicales excuses à la charmante Maria Martinez Ojeda, Responsable Qualité des crus du vignoble, qui s’est retrouvée face à un groupe toujours aussi intéressé mais « légèrement ralenti », dirons nous ! – mais après une quinzaine de dégustations et sous une température avoisinant alors les 45°C, qui ne le serait pas ?
La visite n’en reste pas moins passionnante ; le Château Brane-Cantenac est issu d’un des plus grands terroirs du Médoc, et est en perpétuelle évolution. Depuis 1992, Henri Lurton a effectivement travaillé le vignoble pour produire une qualité de vin exceptionnelle.
Beau millésime que l’année 2008, où la nature – capricieuse par un été difficile mais une arrière saison magnifique, a permis de donner un vin racé, aromatique et équilibré. Au nez, se dégagent des notes de fruits noirs alors qu’en bouche, les tanins apportent une belle ampleur. Le Brane est un vin de garde, il atteint son apogée entre 15 et 20 ans.
C’est donc sur cette note d’excellence, que notre journée a pris fin. Et que nous avons quitté cette région d’une richesse incroyable !
Un grand merci à Nicolas, au Club des Vins, et aux propriétaires des domaines Lucien Lurton pour leur accueil chaleureux et la découverte de leurs grands crus, qui nous invitent plus que de raison, à en consommer et en offrir.
Et merci aussi au groupe pour tous ces bons fous rires !