Lorsque Gilles Stassart nous parle du repas gastronomique des français, en s’installant derrière les fourneaux des Diners du Cercle …
Gilles Stassart « Chef », « Auteur* », « Artiste » peut-être même plus « artiste que cuisinier » ainsi qu’il se définit lui-même, a un parcours atypique, bien à son image.
Après le Transversal « passerelle expérimentale entre Arts Plastiques & Gastronomie », le Nomiya – au Palais de Tokyo, et ses restaurants éphémères qu’il qualifie de « Everywhere anywhere restaurant », cet ovni du monde culinaire que peut sembler être Gilles, a pris les commandes des cuisines du Club du Cercle pour créer « son Repas Gastronomique des Français ».
Pour rappel, les Diners du Cercle sont effectivement nés de la collaboration de Hugues Piketty, le Président du Cercle, et de la MFPCA (Mission Française du Patrimoine et des Cultures Alimentaires) pour permettre à des chefs cuisiniers d’interpréter le Repas Gastronomique des Français, inscrit en 2010, au Patrimoine de l’Unesco.
Initiative intéressante quoi que portant au questionnement, quand on sait que ce dernier, a été reconnu comme pratique du quotidien des Français et donc plus de l’ordre du repas pris chez soi et préparé par ses soins, qu’élaboré par un grand chef au restaurant.
Hugues Piketty présente ainsi les choses : « Les Diners du Cercle permettent d’avoir accès à des chefs inaccessibles à Paris. Pour plusieurs raisons, ils sont en Province, à l’étranger, ils ont fermé leur établissement ou sont même à la retraite comme Gérard Cagna, qui entrera en résidence en décembre. » Et d’ajouter : « Plus simplement, nous considérons les Diners du Cercle comme un échange entre les chefs et un nouveau public – une nouvelle clientèle parisienne et étrangère. »
Pour ce qui est du repas « pris chez soi », « Le Club du Cercle est le lieu idéal pour se sentir chez soi. » réplique-t-il. A voir ..!
Toujours est-il que de célèbres toques se sont prêtées au jeu, dont Gilles Stassart pour la 3ème Résidence.
Retour sur une vision très personnelle mais aussi très pertinente de notre Chef – Artiste.
Bonjour Gilles, parlez nous un peu de vous, comment êtes-vous arrivé ici ?
« Mon travail s’articule autour des comestibles, de la question de la nourriture. Je fais de la cuisine pour des restaurants, des expositions, j’interviens dans des contextes d’art, (galeries et lieux directement associés au monde de l’art), en collaboration directe avec des artistes.
Je connais la technique du métier de cuisinier mais l’utilise dans mon champ qui est celui de l’art.
Ce qui m’intéresse c’et la matière, les matériaux comestibles – ce que nous appelons communément les produits ! Ndlr
Au fil de ce que l’on mange, on est la sédimentation de ce que l’on ingère. Comme c’est le cas en chine et au japon (voire dans toute l’Asie) : il n’y a pas de frontière entre la médecine et la cuisine. »
Le Japon vous est familier ..?
« Je vis au Japon, je suis proche de cette philosophie de l’alimentation. Je définis justement le repas comme une expérience protéiforme entre la trilogie : nourriture, paysage et contexte (assemblée). »
A propos de repas, quelle carte blanche avez-vous décidé de jouer pour représenter le Repas Gastronomique des Français, durant votre résidence au sein du Cercle ?
« Je suis parti sur un menu « surprise », je fais toujours cela. Je fais le choix de ne pas révéler les menus pour éviter préjugés, pré-sentis, et prédigérés.
Il y a du cru, du cuit. C’est un menu déstabilisant, parce qu’il part de quelque chose que l’on ne connaît, proche de la peinture. Il y a beaucoup d’évocations, d’évocations de saveurs – un travail pointu sur les assiettes.
Mon menu est aussi délibérément accessible (47 € pour 4 plats). »
En quoi est-il symbolique du RGDF ? Est-ce que l’on est pas loin de ce qui est inscrit au Patrimoine de l’Humanité ? A savoir la pratique d’un déjeuner dominical des plus classiques, et par conséquent des moins « inattendus » ?
« En fait, oui et non. Ce menu raconte ce qui constitue les français et le RGDF. Il est à l’image de la famille française d’aujourd’hui, à savoir multiculturelle. La cuisine française telle qu’on la connaît est fabriquée de choses qui s’opposent et sont différentes à la base. Elle est nourrie d’influences étrangères, expliquée par la mobilité de notre société. La famille brassée, aux origines cosmopolites a fabriqué la cuisine française.
Ma cuisine, c’est ca : un assemblage de choses qui sont étrangères les unes aux autres. C’est aussi ca qui selon moi, fait la force de la famille.
L’idée du RGDF est donc retrouvée dans ces brassages, même s’il est sublimé car sort de la routine des français.
Il est clairement interprété d’une façon conceptuelle sur un des aspects qui m’intéresse : le métissage et la création d’une identité culinaire.
Pour aller plus loin, ma problématique lorsque je crée n’est pas celle du territoire mais des hommes, ceux qui bougent et vont créer une identité propre. Cela va complètement à l’encontre d’une certaine idéologie liée à la cuisine et qui me dérange, et qui associe obligatoirement territoire et cuisine alors que pour moi, la force de la cuisine et d’une population, est dans la diversité et le métissage – l’appropriation. »
Et lorsque vous dites que l’expérience sera « cérébrale et gustative » ? …
« Oui, elle invite de fait à s’interroger, se poser des questions. Par le biais d’évocations. On mange davantage de signes que de produits. On mange des messages – les associations évoquent des images. La cuisine c’est une image. »
Manger du Gilles Stassart, c’est manger quelle image ?
« Ce repas raconte une histoire, essayez-le ! »
Le rendez-vous est pris ! La suite au prochain numéro …
* Les Erreurs dans la Cuisine, paru le 23 octobre 2014, aux Editions Courtes et Longues
Le Club du Cercle, 6 rue Etienne Marcel, 75002 Paris.
Du 27 octobre au 14 novembre – Menu 47€
Ouvert du lundi au vendredi soir pour deux services de 25 couverts (19h30 et 21h30)
Réservations et informations sur le site internet www.leclubducercle.fr
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